Parmi les 74 convois des déportés juifs de France destinés aux camps de la mort nazis pendant la Shoah, il y en a un que j’ai souvent retrouvé sur la route de ma formation sur le sujet et l’élaboration de mes itinéraires de Mémoire pour mes élèves depuis 2003. C’est le convoi n° 67 du 3 février 1944. Je l’ai souvent étudié pour tenter de comprendre un des multiples mécanismes de la « Solution finale de la question juive ».
Lors de mon premier voyage d’étude à Auschwitz en 2003 en compagnie d’une dizaine de professeurs d’histoire et d’une des rescapées de Birkenau, Yvette Levy (convoi 77) , lorsque j’enseignais au lycée Françoise Cabrini en Seine-Saint-Denis, nous évoquions souvent ce convoi qui emportait, entre autres, trois enfants juifs portés à la Mémoire collective grâce au film de Louis Malle « Au revoir les enfants ».

Extrait de mon Journal 2003-2005. Message d’Yvette Levy inscrit sur mon journal le 4 avril 2004 dans l’avion entre Cracovie et Paris lors de mon premier projet avec mes élèves du lycée Françoise Cabrini de Noisy-le-Grand (93).
En 2008, pour mon premier itinéraire de Mémoire dans un établissement scolaire de Soissons où je venais d’être muté, j’avais proposé à des lycéens volontaires qui voulaient se rendre avec moi à Auschwitz dans un cadre pédagogique, d’imaginer à partir de séances historiquement contextualisées au CDI pendant un an, le parcours d’enfants de leur âge partis dans ce convoi n°67. Ils étaient 23 élèves et je choisis sur la liste de ce convoi 23 enfants âgés de 14 à 18 ans.
Pour mieux nous rapprocher de la réalité de cette déportation, en plus des témoignes écrits de Louise Alcan et de Paul Chytelman, j’avais pu contacter à l’époque deux autres survivants de ce convoi : Bernard Bouriki (qui m’accorda un entretien à son domicile le 10 novembre 2008 mais il ne tenait pas à témoigner devant les élèves et dont je conserve précieusement cet enregistrement audio) et Léa Schwartzmann, épouse Rohatyn, qui accepta le 4 novembre 2008 de rencontrer mes élèves dans l’auditorium du Mémorial de la Shoah pour transmettre son calvaire. Pour mes élèves comme pour moi, ce fut le choc des premiers témoignages nous permettant d’esquisser nos représentations sur ce crime, augmentées par notre déplacement à Auschwitz le 3 mars 2009. Nous avions restitué ces parcours à travers des textes de fiction dans un livre auto-publié « Convoi 67 : Encore vivront-ils un tout petit peu…«

4è de couverture et couverture de livre auto-publié pour mes élèves dans le cadre du projet pédagogique sur la Shoah « Convoi 67 : encore vivront-ils un tout petit peu…). Livre tiré uniquement à 100 exemplaires pour les élèves, enseignants du lycée et institutions ou fondations ayant participé au projet en 2008-2009.
Ci-dessous, en lien, un des plus beaux texte écrits dans ce livre par une de mes élèves, Edwige Elie, 17 ans en 2009, imaginant, avec ses connaissances acquises au cours de ce projet pédagogique, le sort de Ruth Lazar, déportée dans le convoi 67 à l’âge de 17 ans.
« Ruth Lazar, 17 ans » par Edwige Elie (2009)
En 2011, quand j’entrepris mon troisième itinéraire de Mémoire pour des élèves volontaires afin d’enquêter avec eux sur le sort des Juifs de Soissons, je ne me doutais pas alors que le convoi 67 allait croiser à nouveau nos investigations….
Extrait : Calendrier de la persécution des Juifs de France, 1940-1944 de Serge Klarsfeld.
Convoi n°67 en date du 3 février 1944.
Ce convoi emporte vers Auschwitz 1214 déportés dont 184 enfants de moins de 18 ans (4 bébés, 9 enfants de 1 an, 5 de 2 ans, 4 de 3 ans, 8 de 4 ans, etc.…) ainsi que 14 octogénaires. On compte 662 hommes et 552 femmes. Départ du convoi de Paris Bobigny.
166 hommes furent sélectionnés à l’arrivée le 6 février, et reçurent les matricules 173228 à 173393, ainsi que 49 femmes (matricules 75125 à 75173). 985 personnes furent immédiatement gazées.
En 1945, il y avait 43 survivants, dont 23 femmes.
Parmi ces 1214 déportés, 7 personnes juives de Soissons arrêtées à leur domicile le 4 janvier 1944, transférées au camp de Drancy le 20 janvier 1944. Parmi les 184 enfants de moins de 18 ans de ce convoi, ces deux garçons et cette petite fille de Soissons : Maurice Wajsfelner (10 ans), Albert Gochperg (8 ans) et sa petite soeur Nelly (3 ans). Dans ces wagons à bestiaux se trouvaient également, de Tergnier-Fargniers, Rachel Guecht-Katz (59 ans), le couple Grünblatt et leurs deux enfants, Annette (18 ans) et Maurice (12 ans), tous arrêtés également le 4 janvier. Enfin, de la famille de mon amie Lisette Ehrenkranz : son oncle paternel Max, sa femme, Rosalie, enceinte de huit mois, et leurs sept enfants, âgés de 1 à 14 ans, Jacques, Suzanne, Daniel, Armand, Jules, René et Thérèse arrêtés à Montrouge à leur domicile, transférés à Drancy le 22 janvier 1944.
Paix à leur Mémoire.
Il y avait mon père Boris Bezborodko matricule 173246 et également, je l’ai appris il y a 5 ans les enfants juifs du prieuré d’Avon et un prêtre, le père Jacques qui les accompagnait, et qui sont ceux dont Louis Malle parle dan son film « Au revoir les enfants »
Il y avait ma voisine Loketz Germaine et sa mère Marguerite née Dreyfus. Elles avaient fui l’Alsace en1940. Décision prise du jour au lendemain. Arrêtées et déportées en 1944 dans ce convoi N° 67, la maman est décédée à Auschwitz, la fille en est revenue. Une seule fois elle a accepté de me parler de cette horreur, malgré notre proximité. J’ai vu son matricule, je n’ai pas osé le lire, par respect. Aujourd’hui, j’aurais aimé l’inscrire dans mes mémoires.
Bonjour. Je fais une recherche sur le couple Borochowitch (Lazare et Camille née Dreyfus) qui était dans le convoi 67. Ces deux personnes ont -elles assassinées à leur arrivée ou bien affectées au travail. J’aimerai faire apposer une plaque en leur mémoire dans le village où ils habitaient jusqu’à février 1944. J’aimerai trouvé la date de leur arrestation et les circonstances. Et autres éléments d’enquête.
Merci pour votre aide.
Bonjour
Merci pour votre message. Je serais heureux de pouvoir vous aider. Ecrivez-moi à steph.amelineau@gmail.com Ce que je peux déjà vous dire c’est que le couple est arrivé à Drancy le 27 janvier 1944 (dépouillé d’un bracelet montre en or pour dame), une semaine avant leur déportation. Il semble probable, selon le Journal Officiel de la RF des « Mort en déportation », que ces deux personnes aient été sélectionnées dès leur arrivée sur la judenrampe d’Auschwitz le 6 février 1944 pour la chambre à gaz. Je vous expliquerai tout cela par mail et vous aiderais à retrouver des traces de leur arrestation.
Ils étaient à Beuvilliers dans le Calvados, n’est-ce pas ?
Bien cordialement
Stéphane Amélineau
Merci pour ces informations. Le 09 février 2023 une résistante déportée de ce convoi recevra à titre posthume la médaille de la résistance. Il s’agit de ma grand tante qui faisait partie de la MOI-FTP du groupe Manouchian. NL
Il y avait mon père Albert Abraham BEN DRIHEM mort à Buchenwald après une marche de la mort