Il m’est difficile de mesurer l’émotion ressentie lorsque je sortis un manuscrit d’une enveloppe kraft, reçu ce matin dans mon courrier. L’auteur-expéditeur m’avait averti une semaine auparavant de cet envoi.Il est écrit sobrement sur la page-titre : Le 29ème par Albert Szerman. Il confirmait ainsi la mission qu’il m’alloua au téléphone : faire éditer l’histoire de sa vie auprès des éditions de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah présidées par Serge Klarsfeld et dirigées par Philippe Weyl.
Albert, c’est l’histoire du seul survivant de la rafle du 22 juillet 1944 à l’orphelinat et à la pension Zysman de La Varenne-Saint-Hilaire dans le Val-de-Marne. Albert, c’est l’histoire de ces 29 orphelins que les Allemands, dirigés par le forcené SS Aloïs Brunner, vinrent chercher en bus à l’aube pour les envoyer en déportation, mitraillettes en bandoulière, ordres éructés dans un vacarme que seul peut provoquer la sécheresse des cœurs. Albert, c’est la mémoire du calvaire et de l’ignominie que subirent ces jeunes camarades. Il les vit partir dans les cris et les plaintes, caché derrière une fenêtre. Albert, c’est la dernière parole encore vivante de ces enfants déportés, comme ceux d’Izieu trois mois plutôt, vers les centres de mise à mort de Birkenau. Albert, c’est l’histoire d’un orphelin que la mort a refusé neuf fois de prendre. Albert, c’est une enfance désastreuse, une adolescence douloureuse. Albert, c’est une chance insensée.
Aujourd’hui, Albert a 81 ans. Depuis deux ans, et notre première rencontre à son domicile parisien, il a décidé de témoigner, de raconter, d’écrire et de me confier son manuscrit pour porter son histoire à la mémoire collective. Il n’y a donc pas lieu ici de raconter son itinéraire parsemé de biens des souffrances et de quelques mains tendues. C’est à Albert de vous le faire lire. Non, ici, je vous raconterai cette incroyable circonstance qui m’amena à croiser le destin d’Albert Szerman. Je vous décrirai cet impensable détour qui m’emmena de la persécution des Juifs du Soissonnais à celle des orphelins juifs de ce quartier de Saint-Maur-des-Fossés.
Cher Stéphane Amélineau,
S’il vous plaît pardonnez mon pauvre français, je suis un Américain. (Si c’est trop difficile à lire, une version anglaise suit.)
De quatre à neuf ans (1958/59 à 1964), j’ai habiter au 38bis rue Saint-Hilaire, La Varenne.
J’étais très familier avec l’Orphelinat Beiss Yessoïmim. Je l’ai vu tous les jours marchant à l’école.
À un moment donné, une famille a emménagé dans l’orphelinat. Leurs deux fils sont devenus mes amis. On m’a invité à l’intérieur, et je me rappelle bien la chambre en train de couler.
J’ai été desole de découvrir que les pages du blog sur l’orphelinat ont été supprimées.
Si possible, je voudrais acheter une copie de Le 29ème par Albert Szerman. Mais, je n’ai pas pu trouver n’importe où pour le faire.
Toute aide est appréciée.
Cordialement,
Marc Wing.
Dear Stéphane Amélineau:
Please forgive my poor French, I am an American. (If it is too hard to read, an English version follows.)
From four to nine years (1958/59 to 1964), I lived at 38bis rue Saint-Hilaire, La Varenne.
I was very familiar with the Orphanage Beiss Yessoïmim. I saw it everyday while walking to school.
At one point, a family moved into the orphanage. Their two sons became my friends. I was invited inside, and I remember the sinking room.
I was sorry to discover that the pages on the orphanage blog have been removed.
If possible, I would like to purchase a copy of Le 29ème by Albert Szerman. But, I have not been able to find anywhere to do this.
Any assistance is appreciated.
Sincerely,
Marc Wing.
Cher monsieur Marc Wing
Merci très sincèrement pour votre message. Je vais tout de suite rétablir mes articles sur l’histoire de l’Orphelinat de La Varenne à travers le terrible parcours d’Albert (ils feront peut-être l’objet d’un livre un jour mais je n’ai pas fini mon enquête sur ce drame). Quant au livre d’Albert Szerman, « Le 29ème » il n’est pas sorti. Je vous invite à m’écrire par mail pour mieux échanger et aussi vous faire parvenir le manuscrit d’Albert. Je l’ai eu au téléphone après votre message et il est tout à fait d’accord pour que je vous l’envoie en privé, par mail.
Au plaisir de vous lire très bientôt
Stéphane Amélineau
steph.amelineau@gmail.com
(Google translate) :
Dear Mr. Marc Wing
Thank you very much for your message. I will immediately restore my articles on the history of the Orphanage of La Varenne through the terrible course of Albert (they may be the subject of a book one day but I have not finished my investigation into this tragedy). As for Albert Szerman’s book, « Le 29ème » he did not leave. I invite you to write to me by mail to better exchange and also to send you the manuscript of Albert. I got it on the phone after your message and he is in complete agreement that I send it to you privately, by mail.
Looking forward to seeing you soon
Stéphane Amélineau