C’était à la demande d’une petite-nièce de déportés. Des États-Unis, où elle vit depuis presque 40 ans, elle me sollicita à propos de son grand-oncle : Jules Tavlitzki. Plus particulièrement sur son itinéraire entre son arrestation le 20 août 1941 et son assassinat le 12 juin 1942 à Auschwitz. Cette enquête que j’effectuai pour elle est basée sur les documents que j’ai pu rassembler entre Paris et Oswiecim, ainsi que l’historiographie la plus rigoureuse pour en expliquer le contexte de l’époque en fonction des lieux et des faits relatés.
Jules Tavlitzki, né en France à Paris, 35 ans au moment de son arrestation, vivait au 23 rue du faubourg Saint-Denis dans le Xe arrondissement parisien. Le 20 août 1941 il fut pris dans la seconde rafle de la capitale qui se déroula dans le XIe.

Jules Tavlitzki [Avec l’aimable autorisation des services d’archives et de la photothèque du Mémorial de la Shoah à Paris, cote MXII_586].
Pourquoi se trouvait-il là au moment où la police française boucla cet arrondissement pour arrêter les Juifs ?
Il m’est impossible à ce jour d’être affirmatif sur les circonstances de son arrestation. Jules Tavlitzki, juif, était, comme beaucoup de ses frères de confession ou défini comme tel, au mauvais endroit, au pire moment. Par contre, le pourquoi de cette rafle du 20 août 1941 est aujourd’hui clairement expliqué.
Depuis l’occupation en juin 1940, l’autorité allemande avait institué en France une administration militaire de contrôle et de surveillance dans la zone occupée. Mais elle ne pouvait être efficace qu’avec la coopération de la police française. La poignée de main à Montoire entre Hitler et Pétain scellait cette collaboration. Les Allemands n’avaient pas les moyens en homme pour assurer cette sécurité et cette politique « d’entente » arrangeait les deux parties. Les Allemands se félicitaient de la « bonne » et parfois même de « l’excellente » collaboration des services de police et de gendarmerie françaises. A l’encontre des Juifs, il suffit de relire les lois du gouvernement de Vichy qui devançaient les souhaits des nazis, comme la première loi sur le statut des Juifs en octobre 1940 (et le premier recensement). La préoccupation de l’autorité militaire allemande était avant tout de se prémunir des actes « terroristes », relativement rares entre juin 1940 et juin 1941.
Avec la troisième ordonnance allemande du 26 avril 1941 à l’encontre des Juifs et la promulgation du second statut des Juifs (et donc un second recensement des israélites en France en juin 41) par le gouvernement de Pétain, il s’agissait alors d’une politique d’exclusion pour les recenser, les spolier et faciliter leur internement « préventif », surtout les Juifs d’origine étrangère. Les préfets pouvaient, par simple suspicion ou par prévention, les enfermer sans jugement dans des camps. Ce fut le cas lors de la première rafle du 14 mai 1941. Il s’agissait en fait d’un piège des autorités (la préfecture de Paris) : « par un billet vert, elles convoquaient des hommes juifs étrangers dans les commissariats pour vérification ». Elles prirent ainsi au piège plus de 3 500 juifs polonais en majorité mais aussi des apatrides (allemands ou autrichiens) et tchèques. On appelle donc cette première rafle en France, la « rafle des billets verts ». Ils furent dirigés ensuite vers la gare d’Austerlitz pour être convoyés vers deux camps du Loiret : Pithiviers et Beaune-la-Rolande.
Pendant l’été 1941, surtout à partir du 22 juin 1941 et l’invasion allemande de URSS, juifs et bolcheviks se trouvèrent désormais associées dans les représentations mentales des nazis et de leurs collaborateurs comme le « mal absolu ». Ajoutez à cela que, dès juillet 1941, les actes de violences à l’encontre de l’occupant augmentèrent sensiblement. Il n’en fallut pas plus pour qu’une politique de représailles se mette en place. C’est dans ce contexte que les autorités militaires allemandes, sur instigation du service des affaires juives de la Gestapo, avec le concours de la préfecture de police parisienne encadrée par des militaires allemands, décidèrent de l’arrestation d’hommes juifs (de toutes nationalités) de 18 à 50 ans. Ils bouclèrent le XIe arrondissement le 20 août 1941 où vivaient beaucoup d’israélites dans la capitale. De plus, le 21 août, un soldat de la Wehrmacht tomba sous les balles d’un attentat. Cette rafle se prolongea jusqu’au 25. Mais c’est le 20 août que 3 022 des 5 784 juifs furent arrêtés. Cette rafle commença donc dans le XIe, bloqué par la police dès 5h30 du matin. Parmi ces hommes embarqués dans les bus parisiens se trouvait Jules Tavlitzki, certifié par sa fiche d’internement (F9/5734 239743 L).
Pour accueillir ces internés, les autorités ouvrirent le camp de Drancy qui n’était pas du tout préparé à cette arrivée massive. Rien n’était prêt pour recevoir les 4 232 premiers arrêtés dans la rafle, dont Jules Tavlitzki. Ils étaient répartis dans des chambrées sans matériel médical ni du plus rudimentaire des mobiliers. Ils dormaient lors des premières semaines à même le sol en béton armé (Drancy était des « HLM » – à l’époque on disait HBM : Habitation à Bon Marché – construits en 1934, formant un U sans que les cloisons séparant les futurs appartements furent dressées). Et je ne parle même pas des conditions alimentaires et d’hygiènes qui entrainèrent des maladies. Ce n’est qu’à partir de la mi-novembre 1941 que les choses « s’améliorèrent » un peu.
A noter que Drancy, d’août 1941 à juin 1942, était un camp de représailles pour Juifs, c’est-à-dire que les internés y étaient regroupés pour fournir des otages à « éventuellement » fusiller. Il devint un camp de transit vers les camps d’extermination à partir de juillet 1942 lors de la concrétisation logistique en France de « la solution finale de la question juive ». Quant à Jules Tavlitzki, il y fut interné dans l’escalier 1, 3è étage jusqu’au 29 avril 1942.
Quelle était la raison du transfert de Jules Tavlitzki vers le camp de Royallieu-Compiègne le 29 avril 1942 ?
Le commandant du camp de Drancy à cette époque, le gendarme Richard, sous l’autorité du SS Dannecker, avait été chargé une semaine auparavant de mettre 400 travailleurs à part (donc plutôt des personnes a priori en bonne santé). Il dressa une première liste de 521 internés. De plus, deux membres – dont l’inspecteur Koerperich – de la police française aux Questions Juives (bras sécuritaire du Commissariat Général aux Questions Juives créé en mars 1941 par une loi de Vichy) en désigna 300 de plus. Avec quelques retraits pour divers motifs, dont la nationalité de certains Juifs – par exemple les Juifs hongrois car le pays était alors allié avec le Reich allemand -, les autorités désignèrent finalement 784 hommes partants de Drancy. Ils ont été soumis rapidement à des examens médicaux par les docteurs Grand et Gueppert de la Police des Questions Juives. A la veille du départ on (on = les internés de Drancy) croyait à une déportation vers l’est. En effet, le bruit courait depuis une information diffusée sur la T.S.F. le 18 avril 1942 que si les Allemands ne trouvaient pas dans les 24 heures les auteurs d’un déraillement d’un train de permissionnaires de la Wehrmacht dans le Calvados, un millier de Juifs et de communistes seraient déportés et 50 seraient fusillés. Mais ils furent finalement envoyés le 29 avril vers le camp de Compiègne-Royallieu. Parmi eux se trouvait le grand-oncle Jules.
« Le départ s’est effectué [vers Compiègne] dans la matinée du 29/4 à partir de 10h dans de bonnes conditions à la satisfaction des autorités allemandes et le dernier interné avait quitté le camp à 11h ¼. » Commandant de Drancy : RICHARD.
Quelle était la nature du camp de Compiègne-Royallieu ?
Il se situe en Picardie, dans le département de l’Oise, à environ une heure de train de Paris. Aujourd’hui devenu un lieu de Mémoire. C’était en 1939-1940 une caserne militaire de l’Armée française, appelée Royallieu, mais après la défaite de juin 1940, elle se transforma, sous tutelle allemande, en un camp de prisonniers de guerre, sous le nom de Frontstalag 122. C’était un camp qui devint en juin 1941 (à partir de l’invasion de l’URSS) un « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs». Il fut divisé en trois sous camps. Le camp A pour les détenus politiques, le camp B pour les internés civils, et le camp C pour les Juifs. Ce dernier renfermait dans les pires conditions les infortunés juifs, a contrario des sous-camps A et B qui étaient protégés par la Croix Rouge, bénéficiant donc de meilleures conditions. En clair, les Juifs, dans ce sous-camp C, étaient traités comme des bêtes. La presque totalité des Juifs de ce sous camp C ont été déportés dans les deux premiers convois partis de France vers Auschwitz : les 27 mars et 5 juin 1942.
Si le 1er convoi du 27 mars fut un convoi entrant dans la politique de représailles, le second, celui de Jules Tavlitzki, en porta aussi la trace mais revêtait également celui de la mise en œuvre de la « solution finale de la question juive ». Et pour cause, le 5 mai 1942, Reinhard Heydrich (chef de RSHA – police de la sécurité du Reich et des territoires occupés, bras droit d’Heinrich Himmler) était venu à Paris pour mettre en œuvre la déportation en masse des Juifs de France vers les camps d’extermination. Elle fut surtout effective à partir de juillet 1942.
Quelles furent les circonstances de la constitution du convoi n°2 du 5 juin 1942 ?
Il ne fait donc aucun doute que Jules Tavlitzki fut dirigé vers le camp d’Auschwitz dans ce deuxième convoi renfermant dans ses wagons à bestiaux, des Juifs. La plupart des hommes regroupés pour cette déportation provenaient des internés de Drancy, transférés à Compiègne le 29 avril 1942. Ils avaient entre 32 et 47 ans ; que des hommes. Certains (290) provenaient des camps du Loiret (Beaune-la-Rolande et Pithiviers). Ce convoi partit de la gare de Compiègne le 5 juin 1942 à 9h30, d’après les télex envoyés par le SS Dannecker en 3 exemplaires : à Adolf Eichmann à Berlin, du service antijuif de la Gestapo ; à Richard Glücks de l’inspection générale des camps de concentration dont les bureaux se trouvaient à Oranienburg en Allemagne ; et à Rudolf Höss, commandant du camp d’Auschwitz.
Le train arriva le dimanche 7 juin 1942 au camp d’Auschwitz. Il n’y avait pas encore de sélection à l’arrivée pour les chambres à gaz (la première sélection sur la Judenrampe entre Auschwitz et Birkenau s’effectua le 4 juillet 1942). Donc, les 1000 hommes du convoi furent enregistrés avec les numéros de matricule allant de 38177 à 39176. Jules Tavlitzki fut tatoué sur son avant-bras gauche avec le n° 39060.
Dix semaines plus tard, le 15 août 1942, les archives retrouvées du camp nous apprennent que vivaient encore 217 déportés du convoi (41 survirèrent jusqu’à la libération en 1945 d’après les connaissances accumulées en 1993 par Serge Klarsfeld). Jules Tavlitzki fit partie des 783 autres qui ont péri avant le 15 août 1942. Dans ce que j’ai relevé dans les archives du camp et celles transmises à Paris au Mémorial, nous savons à peu près dans quelles circonstances il fut assassiné.
Détention et exécution à Auschwitz de Jules Tavlitzki.
Dans un mail que m’adressa la petite-nièce à propos de ses demandes aux Archives du camp d’Auschwitz il y a plusieurs années à propos de plusieurs membres de sa famille, elle m’écrivit :
« …j’ai demandé au Centre de la déportation au camp d’Auschwitz (avec mon guide qui parlait polonais) nous n’avons pas pu obtenir de résultats, sauf pour Jules Tavlitzki ».
Il est effectivement cité dans trois sources des Archives du camp d’Auschwitz : Les connaissait-elle ? Aussi, je me permets de les répéter ou, peut-être, de les révéler. Il existe aussi un document consultable en copie au Mémorial de la Shoah. Ce corpus archivistique permet de suivre le fil chronologique des événements subis par Jules Tavlitzki, dès son arrivée au camp d’Auschwitz I Stammlager.
Les Häftlinge (détenus) du convoi n°2 provenant de France et entrant dans le camp furent enregistrés le 7 juin 1942 sur le document que les SS appelaient la Zugangsliste Juden.
Le n°39060, Jules Tavlitzki, ne survécut pas plus de cinq jours à l’enfer concentrationnaire. Il fut, comme quelques-uns de ses compagnons d’infortune, incorporé dans un kommando de travail pour la construction de Buna (grand complexe de l’industrie chimique d’IG Farben dont les travaux commencèrent en 1941). Pour avoir toujours 10 000 esclaves à disposition près de ces usines, les SS décidèrent de construire avec cette main d’œuvre inépuisable, un camp de concentration qui deviendra Auschwitz III Monowitz, à environ 7 km du camp principal. De mai 1941 à octobre 1942, les prisonniers furent transférés d’Auschwitz I au « détachement Buna » à pied, puis en train (Jules Tavlitzki était dans ce détachement Buna pour le peu de temps qu’il passa dans ce complexe concentrationnaire). A partir de l’automne 1942, les prisonniers affectés à la Buna vécurent à Auschwitz III. Pour les nazis, à l’encontre des Juifs et des déportés politiques, c’était un moyen de les faire mourir de mort lente. Mais la cause du décès de Jules Tavlitzki s’est révélée bien plus prompte. Deux archives du Muséum d’Auschwitz et une du CDJC/Mémorial de la Shoah à Paris mentionnent les circonstances de son assassinat, ainsi que sa date.
Jules Tavlitzki a été tué par balle par un garde SS le 12 juin 1942 lors d’une « supposée » tentative d’évasion. La date comme la mort par balle sont établies. Ce(s) coup(s) de feu tirés par un garde SS ont-ils été vraiment motivés par le fait que ce grand-oncle tentait de s’enfuir ? Il est difficile de l’affirmer car bon nombre de ces gardes SS n’hésitaient pas à provoquer les détenus, par exemple jeter un morceau de pain dans la zone interdite près des barbelés en leur ordonnant d’aller le récupérer. Tiraient-ils par sadisme ? Pas forcément, cela leur permettait surtout d’obtenir des jours de permission pour avoir « empêché une évasion » ! Pourtant, vraisemblablement, je pense qu’il a tenté de s’évader avec deux autres détenus de son kommando Buna dont un était une connaissance de Jules Tavlitzki depuis son internement à Drancy. J’y reviendrai plus bas.
Voici les pièces reçues de Pologne ou récupérées à Paris. Elles me permettent d’étayer ces faits :
Premièrement, l’archive se trouvant à Paris. Ce document est une liste de 56 noms mentionnés sur une page, 56 hommes tombés sous les balles SS avant le 29 juin 1942. Sur la 5è ligne, est inscrit celui du grand-oncle. Il appartient à un rapport retrouvé de 7 pages notant des détenus fusillés qui auraient tenté de fuir entre juin 1942 et octobre 1942, ainsi que les noms des gardes SS qui ont tiré.
Deuxièmement, les archives du Museum d’Auschwitz que j’ai reçues permettent de certifier la date de décès de Jules Tavlitzki.
C’est d’abord le sinistre document Stäerkebuch. Traduisons-le par « registre des morts» après l’appel. L’appel dans l’univers concentrationnaire nazi était à la fois le moyen pour les bourreaux de faire stationner debout très longtemps les détenus pour les « casser » deux fois par jour (matin et soir) et de recenser à « la pièce » près, le nombre des détenus, qu’ils soient morts ou moribonds. S’il n’y avait pas le bon « solde », ils recommençaient… parfois pendant des heures. De ces registres Stäerkebuch, deux volumes seulement ont été miraculeusement épargnés de la destruction des SS lors de l’évacuation du camp en janvier 1945. Ces deux volumes indiquent jour après jour, nuit après nuit, les détenus « décédés » (Verstorbene Häftlinge) entre deux appels à Auschwitz I Stammlager dans l’ombre du portail Arbeit macht frei ; entre mars et août 1942.
Nous ouvrons ici la page 533 du premier volume. Le matin du 12 juin 1942 il y avait 13 812 détenus enregistrés et encore en vie dans le camp principal. Dans la journée, 58 vont être déclarés « décédés » mais 40 vont être incorporés dans le camp comme nouveaux arrivants (neuzugänge). Ce qui porte le solde des effectifs au soir du 12 juin, après l’appel, à 13.794 détenus dont 153 prisonniers de guerre russe : davon 153 Russen. A l’aube du 13 juin 1942, s’égrène la liste des « décédés » dans la nuit, toujours sur cette page 533. Nous découvrons alors les 9 premiers de cette litanie mortuaire. De froides traces bureaucratiques qui étouffent la vérité mais ne peuvent la nier. Nous savons pourquoi ils sont morts : parce que juifs ou ennemis désignés par les nazis. Mais comment l’ont-ils été ? Ces 9 noms alignés comme un état de rapprochement comptable ne peuvent empêcher l’observateur averti de vouloir convoquer la vérité, ou au mieux, un supplément d’humanité. Pour le 5è nom : Jude Fr. 39.060 Jules Tavlitzki né le 15.12.1905, nous savons ce qu’il fut, ce qu’il advint, et par nos recherches nous réfutons par d’indubitables preuves ce que les nazis voulaient absolument : la négation de la vie pour seul motif d’être né dans un lit plutôt qu’un autre.
Hormis monsieur Tavlitzki, ayons une pensée pour ces vies humiliées, tranchées, assassinées, mais non effacées, invoquées dans ces lignes au côté de Jules : Adam Miskowiec, 36 ans ; Aladar Deucht, 36 ans ; Juda Grünberg, 37 ans ; Robert Sfarti, 28 ans ; Albert Sapeta, 53 ans ; Gustav Baudisch, 45 ans ; Ernst Bernhard, 26 ans ; et Adolf Redzioch, 28 ans.
Nous retrouvons l’« identification » de Jules Tavlitzki dans une autre liste. Elle concerne la Leichenhalle (salle des cadavres). Elle a pu être conservée par Stanisław Ryszler (n°16439), un kapo (chef détenu d’un kommando de travail) du Leichenträger kommando (chargé du transport des cadavres). Le Leichenträger kommando était responsable pour ramasser les corps des détenus décédés ou des prisonniers tués dans l’hôpital du camp, des prisonniers fusillés contre le mur de la mort (dans la cour située entre les blocke 10 et 11), des prisonniers pendus sur la place lors des appels ou des prisonniers qui sont morts dans des différents blocke et regroupés dans ce sous-sol du block 28. Ce registre Leichenhalle retrouvé, recense exactement 22 941 prisonniers morts dont Jules Tavlitzki ; une goutte d’eau dans un océan de meurtres. Nous pouvons l’identifier dans ce registre grâce à son numéro de matricule (39060).
Ces corps ont été notés à la main par l’administration du camp avant d’être incinérés dans les fours crématoires. La colonne tracée à côté des numéros de matricule indique celui du kommando de travail du détenu au moment de son assassinat. C’est dans ce carnet que l’on découvre que Jules Tavlitzki était affecté au kommando qui, chaque jour à pied, se rendait au complexe industriel appelé Buna. A-t-il été assassiné par une provocation d’un garde SS pour que ce dernier obtienne une permission ? Jules a-t-il tenté, sur le chemin qui le menait à Buna, de s’enfuir, coupé dans son élan par une rafale de mitraillette d’un garde SS qui l’escortait ? Les deux situations sont probables.
Il n’est donc pas invraisemblable que Jules Tavlitzki, en se rendant ou en revenant de Buna, a tenté de s’évader. En consultant le Kalendrium d’Auschwitz [immense chronique des événements relevés au camp d’Auschwitz à partir de toutes les archives rassemblées par Danuta Czech (1922-2004), fille de résistant polonais interné au camp. Elle consacra sa vie à l’édification de ce calendrier qui fut publié en allemand pour la première fois en 1989], il est clairement mentionné que trois hommes tombèrent sous les balles des gardes SS. Dans ce Kalendrium il est noté à la date du 12 juin 1942 qu’Aladar Deucht (n°36866), Juda Grunberg (n° 38530) et Jules Tavlitzki (n° 39060) décédèrent. En regardant de plus près nous constatons que les trois numéros de matricule enregistrés dans la Leichenhalle au sous-sol du block 28 correspondent à ces trois noms. Ils ont en commun le même kommando : Buna (lignes 21, 22 et 23). Nous trouvons également dans le registre des morts, évoqué plus haut, ces trois noms et numéros parmi les neuf premiers noms en bas de cette page 533. Hormis Jules Tavlitzki, qui étaient Aladar Deucht et Juda Grunberg ?
Le premier est un juif de Slovaquie, transféré du camp de Majdanek-Lublin vers Auschwitz le 22 mai 1942. Son numéro de matricule le prouve lorsque l’on consulte les Zugangsliste. Il est né la même année que Jules. Le second, Juda Grünberg, né lui aussi en 1905, connaît probablement Jules Tavlitzki depuis le camp de Drancy. Il a été interné dans le camp de transit de la banlieue parisienne et enregistré sur la liste du convoi n°2 sous le nom de Juda Grinberg. Comme Jules, et j’ai vérifié dans les documents du CDJC de Paris (cote DLX-7_074), il fut transféré le 29 avril 1942 au camp de Royallieu-Compiègne. Avant son arrestation, il habitait dans le XIe arrondissement parisien, 10 rue Pasteur. Dix minutes à pied du domicile de notre grand-oncle au 23 rue du faubourg Saint-Denis. Se connaissaient-ils avant les arrestations de 1941 dans la capitale ? Nous ne pouvons le savoir à ce jour. Quoi qu’il en soit, ces trois hommes de 36-37 ans furent fauchés par les balles SS dans une probable et désespérée tentative d’évasion entre Auschwitz I et Buna-Monowitz, le 12 juin 1942.
Sources archivistiques et bibliographiques de cet article :
Archives du Mémorial de la Shoah/Centre de Documentation Juive Contemporaine, Paris.
Archives Nationales, Pierrefitte.
Archives du Musée d’Etat d’Auschwitz, Oswiecim (Pologne)
Serge Klarsfeld Calendrier de persécution des Juifs de France 1940-1944
Michel Laffitte/ Annette Wieviorka A l’intérieur du camp d’Auschwitz.
Introduction de Serge Klarsfeld dans Journal d’un interné, Benjamin Schatzman 12 décembre 1941- 23 septembre 1942. Ed. Fondation pour la Mémoire de la Shoah/ Le Manuscrit. Collection « Témoignages de la Shoah ».
Encyclopédie multimédia de la Shoah publié en ligne par United States Holocaust Memorial Museum https://www.ushmm.org/wlc/fr/article.php?ModuleId=46
Danuta Czech Kalendarium der Ereignisse im Konzentrationslager Auschwitz-Birkenau 1939-1945, Ed. Rowohlt (Hamburg), 1989, ISBN 3-498-00884-6, 1.056 p.
Photographie : Block 28 d'Auschwitz I Stammlager (date inconnue) - Musée d'Auschwitz.
Bonjour
Je suis le fils de raymond Zimeliovitch ne en 1936 .
Mon pere et moi meme sommes les derniers avec ce nom de famille en France a ma connaissance mise a part ma fille.
Je recherche des renseignements sur ma famille alors n hesitez pas a me contacter a cette adresse : ozimeliovitch@free.fr
Merci
Olivier Zimeliovitch