Déplacements à Auschwitz dans le cadre de mes projets pédagogiques sur la Shoah : appel à témoignages de mes anciens élèves entre 2009 et 2016.

Quels impacts ont pu avoir mes travaux pédagogiques et historiques sur mes anciens élèves, citoyennes et citoyens en devenir à l’époque ? Aujourd’hui, devenus des femmes et des hommes, quelle part ces projets a pu aider à étayer leurs connaissances historiques et leur esprit critique sur les enjeux, les craintes et les espoirs du présent ?

« Plus de 10 ans après : que m’a apporté ce projet pédago-historico-mémoriel sur la Shoah avec mon ex-prof-doc via notre déplacement dans le complexe concentrationnaire et génocidaire d’Auschwitz ? Quel(s) souvenir(s) je retiens ? ». C’est avec cette question que je tentais de contacter mes anciens lycéens de Soissons lorsque j’exerçais dans cette ville entre 2007 et 2018.

Grâce aux réseaux sociaux, et surtout grâce à mon ami d’enfance et photographe Marco Tchamp (nous nous sommes connus en 1984 et avions respectivement 14 et 16 ans), j’ai pu renouer le contact avec plusieurs de mes anciens élèves. Marco, qui avait fait partie intégrante de mon projet en 2010/2011 Auschwitz : abîme de l’Humanité, avait continué à échanger avec ces élèves du projet au cours de ces dernières années. Je lui dois une fière chandelle pour m’avoir aidé à recontacter plusieurs de ces anciens lycéens. D’autres, les élèves des projets 2013 et 2016, avaient conservé mon contact.

En lisant leurs commentaires, je mesure un peu plus que ces projets ambitieux, souvent lourds à porter, difficiles à organiser dans le cadre d’ateliers au CDI sur le principe du volontariat, ont eu des impacts et que les souvenirs de cet aspect de leur scolarité sont encore bien présents. Ces efforts acharnés pour transmettre le refus du racisme et de l’antisémitisme sont à la mesure du réconfort. Ils ne sont pas vains.

Par les témoignages de mes anciens élèves, je tenais avant tout à les transmettre à mes lycéens d’aujourd’hui, en 2025, qui travaillent sur notre nouveau projet pédagogique en lien avec la Shoah et qui nous a aussi mené à Auschwitz, le 5 février dernier.

Aimérantine, aujourd’hui.

Aimérantine (2013) : Cela fait quelques jours que je repense à notre projet et à vous, particulièrement en cette période de commémoration [80 ans de la libération-découverte du camp d’Auschwitz par un régiment de l’armée soviétique le 27 janvier 1945]. Par hasard, je suis tombée sur une publication de Marco Tchamp [sur un réseau social internet], qui m’a menée jusqu’à votre profil. Je tiens à vous remercier chaleureusement de nous avoir transmis votre savoir et de nous avoir permis de marcher sur les traces de tous ces déportés [des Juifs de Soissons]. En tant qu’adolescente, j’ai été profondément marquée par l’horreur de ce que tant de familles innocentes ont enduré. Je n’ai malheureusement plus les photos de notre séjour à Auschwitz, mais les images restent gravées à jamais dans ma mémoire. Douze années ont passé, et il m’arrive encore, chaque fois que l’on évoque la Seconde Guerre mondiale, de repenser à ce que nous avons vécu ensemble lors de ce projet. Cela a indéniablement transformé ma perception de la haine qui peut exister dans notre monde — qu’il s’agisse des attentats, des guerres de religion ou de l’extrémisme. Je refuse de croire que de telles horreurs puissent se reproduire, et c’est en grande partie grâce à des expériences comme celle-ci que l’on peut rester plus attentif face à ces dangers.

Marine en 2011.

Marine (2011) : Personnellement, ça a vraiment changé ma vie et ma vision des choses. Ça a été super important pour moi ce qu’on a fait là-bas, ça m’a ouvert les yeux et l’esprit sur plein de choses. Et ça a été fondamental dans ce que je suis aujourd’hui. C’est peut-être bête mais j’en parle encore souvent autour de moi. Je ne sais pas si vous avez conscience de l’impact que vous et Marco avez eu sur les lycéens. En plus pour moi, ma terminale avait été assez compliquée. J’étais complètement paumée. Je me souviens de tout comme si c’était hier… J’avais 15 ans (bientôt 30 aujourd’hui). Et je continue d’en parler de manière régulière, en disant qu’on n’a beau nous apprendre tout ça à l’école, on ne se rend pas compte, on ne peut pas se rendre compte si on ne met pas les pieds là où tellement d’horreurs se sont passées. Je me souviens vraiment de me prendre une claque en constatant la grandeur du camp [de Birkenau], en ressentant dans les pieds le soir les kilomètres parcourus. Je me souviens m’imaginer ces hommes et femmes triés comme du bétail, et j’en ai à chaque fois des frissons. Au retour de Pologne, tellement marquée j’ai demandé une étoile de David à porter autour du cou. Elle est toujours là pour me rappeler la tolérance, pour me rappeler que l’être humain est faillible et que l’horreur n’est jamais loin. Quand je vois les actualités, je me dis vulgairement « mais bordel, n’a-t-on rien appris ? », ils n’ont pas eu la chance d’avoir un Monsieur Amelineau et un Marco pour les accompagner dans leur vie d’adulte. J’ai tellement de souvenirs super précis. Je me rappelle l’émotion lorsque Marco nous a raconté son histoire. Emma, Laury, Eline et moi n’avions pas pleuré jusqu’à ce dernier jour [Lors de notre dernier repas dans un restaurant de Cracovie, Marco avait révélé aux élèves son histoire, celle de ses parents et grands-parents, en faisant passer de mains en mains l’étoile jaune qu’avait portée sa maman enfant pendant l’occupation]. Comme si, on ne se l’autorisait pas. Mais à ce moment l’émotion était bien trop forte. Dans mon escalier, il y a notre livre photo. Je me prends parfois à m’arrêter pour le feuilleter. Merci pour tout. Vous avez sûrement changé la manière de voir le monde de certains ados.

Marielle, 2013.

Marielle (2013) : Pour ma part, j’en garde un souvenir à la fois marquant et flou (soit à cause du temps qui passe, soit parce qu’on se protège comme on peut). J’ai quelques images marquantes en tête, auxquelles je repense de temps en temps mais dont je ne sais pas trop quoi en faire.

Solène, 2016.

Solène (2016) : C’était avec grand plaisir et une immense fierté que j’ai participé à ce beau projet ! Je me souviens bien de l’importance qu’il avait pour moi, déjà terriblement intéressée pour tenter de comprendre ce qui avait eu lieu, localement comme mondialement durant cette période tragique. Je tenais absolument à participer à ce travail de mémoire, et je suis encore reconnaissante aujourd’hui d’y avoir pris part, tant il m’a suivi et transformé ! Les recherches, les témoignages, les lieux visités… cela transforme, cela rend concret ce qu’on lit « simplement » dans les livres. Les recherches… c’est fouiller dans tous les précieux documents que vous nous aviez transmis, se rendre compte que c’est tout près de chez nous, avec le nom des rues par exemple, et comme « prendre sous son aile » quelques noms qui nous suivrons tout au long du projet… Les témoignages… c’est la parole vivante, celle que nous avons la chance de pouvoir connaître physiquement, ce sont des histoires qui nous ont émus aux larmes. Je suis si reconnaissante que ces personnes nous livrent leur histoire… La visite de Drancy, se rapprocher un peu plus du physique des lieux mais la modernité ayant pris ses dessus, c’était moins frappant… Et puis le voyage vers la Pologne…que dire d’autres qu’il rend encore plus concret ce que nous avons écouté, étudié, recherché… Je me souviens des lieux restés plus ou moins intacts, si pesants d’histoires, de larmes, du courage des personnes ayant perdus des proches…. nous étions si petits face à tout cela… et comme vous l’aviez dit à l’époque, sur ces lieux que vous allez marcher, des personnes sont tombées et ne se sont jamais relevées… comment oublier… Je me souviens que nous avions fait une petite cérémonie d’hommage, sur les lieux des derniers pas de ces innocents… vous m’aviez confié le souvenir de la belle personne de Sylvia Liwer, et encore aujourd’hui j’y repense souvent… Quand on revient d’un tel séjour après tant de recherches, on ne peut se taire sur ce que l’on a vu, appris… J’ai fait des études de philosophie. Lors de celles-ci j’ai bien-sûr parlé de ce projet d’un point de vue ou d’un autre, à chaque occasion. À l’époque, j’étais avec quelqu’un dont le père était infirmier… et qui a soigné Klaus Barbie lorsqu’il était en prison…. Le monde est petit ! J’ai adoré ses témoignages et j’ai franchement regretté de ne pas avoir contact avec vous pour vous les partager. J ’ai été enseignante, et dans chacune de mes classes j’étais d’ailleurs très fière et c’était un plaisir de partager les photographies que j’ai pu prendre, ainsi que de parler de ce projet à mes anciens élèves ! J’ai pu constater leur curiosité, tout à fait dans le respect pour cette période si difficile. Il y a de l’espoir pour que cette jeunesse s’y intéresse, et ainsi transmette à son tour… C’est aussi pour ce devoir de transmission que je n’hésite pas de partager avec tout ceux qui veulent l’entendre, et oui, vous devez entendre votre oreille siffler comme on dit ! Aujourd’hui, je suis maman d’une petite Judith, un prénom qui est venu à moi et m’a semblé une évidence, et puis après avoir lu ce qu’il signifiait… on pourrait y voir un signe après tout ! Je sais déjà que lorsqu’elle sera en âge de comprendre, je lui en parlerais. Un fait d’importance majeure sur laquelle j’ai insisté à mon tour, comme je l’ai reçu, c’est ce devoir de transmettre aux générations futures ce qui a eu lieu, afin de ne jamais oublier, pour que jamais cela ne recommence.

Raphaël, 2016.

Raphaël (2016) : Un voyage gravé à vie dans ma mémoire ! Il y a neuf ans, j’ai eu la chance de vivre une expérience qui a profondément changé ma vision du monde. À l’époque, j’avais votre âge [Raphaël s’adresse à mes élèves de 2025]. Aujourd’hui, à 26 ans, je me souviens de ce voyage à Auschwitz-Birkenau comme si c’était hier. Ce lieu, lourd d’histoire et de douleur, m’a laissé une impression indescriptible. Marcher sur les mêmes sols où tant de vies ont été détruites, sentir le poids du passé à chaque pas, est une expérience qui ne peut s’oublier. J’ai été particulièrement marqué par un moment où Nathan [un des enfants de Rosa Lewkowicz. Il était encore en vie en 2016 et avait alors 85 ans], profondément ému, a pris de la terre pour la mettre sur son front à l’endroit même où ses parents étaient présents pour la dernière fois. Ce geste simple mais puissant est resté gravé dans ma mémoire, un hommage silencieux et respectueux aux millions de victimes du camp. Il y a deux ans, je suis retourné à Auschwitz-Birkenau, dans un besoin de me remémorer ce que j’avais vécu. Ce retour a été encore plus marquant, car ce qui m’a frappé cette fois, c’est le nombre d’enfants qui visitent ce lieu aujourd’hui, dans un devoir de mémoire. Voir tant de jeunes là, avec des yeux remplis de questions et de respect, m’a impressionné. C’est eux, aujourd’hui, qui portent cette mémoire et qui doivent la transmettre aux générations futures. Ce voyage m’a changé, il m’a appris bien plus que je ne l’aurais imaginé. Après cette visite, vous verrez, vous reviendrez changés. Ce travail de mémoire, ce rappel du passé, est essentiel pour ne jamais oublier. Dans un monde où l’histoire semble parfois se perdre dans l’oubli, il est plus que jamais crucial de conserver cette mémoire et de la transmettre. Aujourd’hui, c’est à vous, jeunes générations, de porter cette responsabilité. Vous devez faire en sorte que ce passé ne tombe jamais dans l’oubli, pour que les souffrances des victimes ne soient pas vaines et que leur mémoire soit honorée à chaque moment de notre vie. Je remercie monsieur Amélineau de nous avoir permis de vivre ce moment et de nous avoir ouvert les yeux sur l’importance de ce travail de mémoire. Dans l’espoir de participer activement à la préservation de cette mémoire.

Eva, aujourd’hui.

Eva (2013) : Ce voyage a totalement changé (inconsciemment) à l’époque, adolescente, ma façon de voir les choses. On en revient grandi et un peu choqué il faut le dire, entre l’apprentissage des faits et fouler la terre où ça s’est passé… C’est bien différent. Maintenant en tant que femme ce voyage accompagne souvent mes pensées, surtout avec l’aspect politique mondial actuel. Je pense que ce projet de visiter les camps afin de se rendre réellement compte, devrait être fait par tous, au moins une fois dans sa vie, pour que plus jamais ça n’arrive. Je vous remercie encore, car je pense que je n’aurais pas été la même personne si je n’avais pas participé à ce projet il y a des années. La conscience qu’on acquiert et ce que ça engendre ensuite : gentillesse, écoute, résistance, résilience, empathie…

Pauline, 2016.

Pauline (2016) : 10 ans plus tard … Voici 10 ans, presque jour pour jour, que nous avons abouti notre travail de recherche, notre travail de 2 ans, par ce voyage mémorable dans le camp d’Auschwitz-Birkenau. Que d’émotions, que de souvenirs quand je repense à ce moment si fort de ma scolarité ! Il semblerait que ce soit l’émotion qui crée le souvenir mais je cherche encore les mots pour la traduire. Le travail de recherche que nous avons effectué au préalable nous a permis de se plonger au cœur de l’histoire de l’humanité et surtout au cœur de l’histoire d’une famille. Celle de Nathan (Lewkowicz) et de Viviane (Bich) que nous avons rencontrés à plusieurs reprises. 10 ans que nous nous sommes rendus sur les lieux d’un des pires génocides de l’humanité, plus de 80 ans que cela a été découvert par le monde entier et autant d’année que nous nous battons pour la tolérance des uns envers les autres. C’est un voyage qui a marqué ma scolarité mais aussi ma vie et ma façon de penser. Notamment quand on regarde l’actualité, on se demande alors ce qu’on a pu tirer du passé … L’horreur que sont les camps de concentration ne doivent plus jamais avoir lieu. Pour éviter cela, il me semble important de pouvoir porter la parole et les souvenirs de ceux qui ont vécu ces atrocités et d’œuvrer pour diminuer le racisme puisqu’aucune population ni personne ne mérite d’être jugé en fonction de là où elle vient. Je remercie une nouvelle fois Stéphane Amélineau pour son travail formidable à retrouver le parcours de personnes déportés et permettre à des familles entières de répondre à leurs questions sur la disparition de leurs proches. Je le remercie pour son envie de transmette toujours avec bienveillance à ces élèves, ce long travail de recherche ainsi que toutes ses connaissances sur l’histoire. Je le remercie de nouveau, d’avoir pu nous emmener en Pologne, et de nous avoir permis d’écrire un livre pour retracer le travail collégial que nous avons pu mener. Je remercie Viviane et Nathan qui nous ont partagés un bout de leur histoire de vie et qui ont accepté de faire leur voyage hommage avec nous.

Audrey, aujourd’hui.

Audrey (2016) : Après toutes ces années, je considère que ce projet tient une place extrêmement importante dans ma vie et ça me permet aujourd’hui de me rendre compte que l’histoire peut se répéter et que l’on peut tous agir pour que ça ne se reproduise plus. Toute l’étude que l’on a fait avant de partir m’a permis de m’intéresser au monde autour de moi et de savoir me documenter, de m’informer. Quant au voyage, cela m’a permis de réaliser que c’était bien réel, pas juste un projet d’Hitler évoqué dans des livres, mais que le moindre détail était fait pour déshumaniser ces personnes. Ce projet résonne encore plus en moi ces derniers temps avec la montée de l’extrême droite en France, dans le monde, l’influence des milliardaires sur les médias, sur la politique… J’essaie d’agir en aidant financièrement des médias indépendants, en participant à des manifestations, en informant mes proches… Ces prochaines années seront décisives et j’espère que je pourrai davantage aider à ce que de telles horreurs ne se reproduisent plus…

Emma, 2011.

Emma (2011) : En classe de seconde au lycée Saint-Rémy à Soissons, j’ai participé au projet sur la Shoah mené par M. Amélineau. Le projet était le suivant : enquêter, faire des recherches sur un déporté, sélectionner une partie de son histoire qu’on trouvait particulièrement marquante et la raconter dans un texte bref, destiné à être publié. Nous avons eu la chance de partir sur les traces des déportés qui désormais résonnaient en nous, trois jours en mars 2011, en Pologne. Ce voyage ce n’est pas seulement le déplacement effectué en Pologne. C’est un parcours presque initiatique, un chemin pour découvrir et apprendre à connaître le ou la déporté(e) choisi(e), un travail d’écriture, une rencontre avec un déporté venu témoigner, une visite au Mémorial de la Shoah, une rencontre et un partage inoubliable avec Marco… Évidemment, notre déplacement en Pologne a été le point culminant de cet itinéraire mais c’est le projet dans son ensemble qui a fait que cette période historique, dont on connaît tous l’histoire et les répercussions, est devenue une préoccupation bien plus personnelle. Presque quinze ans plus tard, devenue adulte, professeure à mon tour, je me sens bizarrement familière de ce conflit, de ces histoires d’hommes, de femmes et d’enfants. J’y suis plus sensible, je n’ai cessé de lire des ouvrages, des témoignages, pour enrichir davantage cette mémoire laissée par tous ceux que nous avons découverts en 2011. Le dernier en date, le film documentaire Les Filles de Birkenau de David Teboul, m’a fait instantanément replonger dans l’histoire d’Ida Grinspan, une française déportée découverte en 2011 et sur laquelle j’ai écrit. Quand je repense à ce projet, à ce voyage, étrangement je ne ressens que des émotions positives. Des émotions intenses, certes, mais jamais accablantes. Si je devais choisir un souvenir parmi tous, je retiendrais sans hésiter ce soir de mars 2011, dans un restaurant polonais, quand Marco, le photographe qui nous accompagnait lors de ce projet, nous a parlé de son histoire personnelle et nous a fait tenir entre toutes nos mains adolescentes l’étoile jaune de sa mère. Ce partage d’une intimité absolue a créé un lien très fort entre nous, et cela doit d’ailleurs expliquer pourquoi après toutes ces années nous restons en contact.

Claire, 2011.

Claire (2009 et 2011) : Des projets, de la recherche, de l’écriture, des moments en Pologne… Sans doute sont-ce des temps forts de mes années lycées, ceux dont je me souviens particulièrement. Ils ont renforcé ma tolérance, mon intérêt pour les autres, ma bienveillance aussi. Ils m’ont permis de me plonger dans l’Histoire et des histoires, sur une période donnée, mais surtout sur notre période contemporaine. Depuis 2019 j’ai déjà changé d’emploi plusieurs fois, j’ai travaillé à mon compte, en bibliothèque, en cuisine, dans une association d’écriture et de langue française. Et depuis 2 ans, je suis chargée de communication dans une ville ! J’écris, je coordonne des projets, je fais de l’évènementiel… j’adore !

Sarah, 2011.

Sarah (2011) : Ce voyage à travers l’histoire a été l’un des plus bouleversants de ma vie. Étudier la Shoah en classe, regarder des documentaires et des films, c’est une chose. Mais visiter ces lieux qui ont été le théâtre des pires atrocités de l’histoire, et se mettre à la place de ces milliers de personnes, en est une autre. Ce qui m’a le plus interpellée durant ce voyage, c’est la froideur et le silence qui règnent sur ces lieux. Une image vaut mille mots, et ici, dès l’arrivée, on ressent viscéralement que l’être humain est capable du pire. L’atmosphère est pesante. Le moment le plus difficile a été d’observer, le cœur brisé, les effets personnels des victimes : ces piles de chaussures, de valises, de vêtements, de béquilles et d’autres objets ayant appartenu à des personnes handicapées… À cet instant précis, j’ai compris que l’être humain peut être un monstre capable des pires horreurs. De par mon histoire familiale (la moitié de ma famille est juive), ce voyage est gravé à jamais dans ma mémoire. Ce devoir de mémoire est pour moi essentiel, d’autant plus dans le contexte actuel où l’antisémitisme refait surface dans le monde. Aujourd’hui, je suis maman de deux jeunes garçons, et je leur raconterai ce voyage. Je les sensibiliserai autant que possible afin que cette partie de l’histoire ne soit jamais oubliée.

Constance, aujourd’hui

Constance (2011) : Il m’est arrivé plusieurs fois, dernièrement, de parler de mon expérience à Auschwitz tellement elle a été forte pour moi et mes autres camarades de classe [en 2011]. J’aimerais beaucoup y retourner en tant qu’adulte pour avoir un regard encore différent sur cette terrible période. Et pourquoi pas y emmener mon mari [Constance vient de se marier durant l’été 2024]. Cela m’a apportée un autre regard sur le monde, une plus grande sensibilité je crois. Les recherches que j’ai pu faire sur Yvette Levy, une jeune femme déportée, m’ont fait prendre conscience de la difficulté qu’ont rencontré ces femmes, notamment dans leur féminité (nues, le crâne rasé dans la souffrance avec des rasoirs rouillés qui ne fonctionnaient pas, cela m’a beaucoup marqué). Je me souviens également d’un moment où nous marchions dans le camp et est apparu une fumée et des cendres dans les airs…Mme Hainé (notre professeure de français de l’époque qui nous accompagnait) sentait des odeurs particulières également.

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About Stéphane Amélineau

Professeur documentaliste : Lycée ITG Val-de-Beauté à Joinville-le-Pont (94 - Val-de-Marne) de 1994 à 2001. Lycée Françoise Cabrini à Noisy-le-Grand (93 - Seine-Saint-Denis) de 2001 à 2007. Lycée de Saint-Rémy à Soissons (02- Aisne) de 2007 à 2018. Collège-Lycée Saint-Joseph à Château-Thierry (02 - Aisne) depuis 2018.
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1 Response to Déplacements à Auschwitz dans le cadre de mes projets pédagogiques sur la Shoah : appel à témoignages de mes anciens élèves entre 2009 et 2016.

  1. Avatar de Marco Tchamp Marco Tchamp dit :

    Comme je suis abonné à cet « itinéraires de mémoire » depuis le premier jour, du fait de notre indéfectible amitié avec Stephane Amelineau depuis plus de 40 ans… j’ai comme vous tous, reçu un courriel le 15 mars dernier pour annoncer la publication de cet article bouleversant.

    Les témoignages des anciens élèves m’ont ému jusqu’aux larmes ce soir là…

    J’ai souhaité rédigé un message ici mais j’en ai été bien incapable tant la gorge nouée m’empêchait de libérer les mots….

    Aujourd’hui, deux mois plus tard, c’est un peu plus facile…

    Alors je voulais, une fois de plus, remercier du plus profond de mon coeur tous ces lycéens que j’ai pu cotoyer en mars 2011 lors de cet inoubliable voyage.

    Je vous ai toutes et tous photographier dans le cadre de ce projet et je n’ai jamais oublié votre visage à chacun, chacune, votre présence à Auschwitz et à Birkenau… je nous revois marcher en silence les uns, les autres avec gravité, émotion, recueillement.

    J’ai eu envie de vous parler, de vous raconter mon histoire personnelle, je n’avais rien préparé, je ne savais pas comment m’adresser à vous…..

    Je me revois dans le car, demandant à mon ami Stéphane si je pouvais prendre la parole sur la route et vous raconter…..

    Il a eu l’extrème bonne idée de me proposer plutôt d’attendre un moment plus propice pour le faire et c’est ce qui s’est passé au restaurant à Cracovie….

    J’étais tellement loin de penser que vos larmes couleraient à l’évocation de mon histoire et surtout de lire ici même 14 ans plus tard, à quel point et avec quelle force ces instants à Cracovie demeurent tellement présents dans vos pensées et dans vos coeurs.

    Merci sincèrement pour avoir pris le temps de rédiger ces messages, vous êtes dans mon coeur pour toujours…

    Je ne vous oublierai jamais….

    Marco Tchamp

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