Conférences-ateliers au lycée Alphonse Daudet de Casablanca (Maroc)

Est-ce le fait que le Maroc soit un royaume pour que je fusse reçu comme un « prince » à Casablanca ?

Mais revenons à la genèse de mon déplacement dans la capitale économique du pays pour une conférence et des ateliers pédagogiques au lycée français Alphonse Daudet du réseau MLF (Mission Laïque France).

Contacté à la fin de l’été par la proviseure adjointe de l’établissement en charge du second degré, Sarah Remy, l’idée de me faire venir pour préparer cette rencontre fit son chemin avant de se concrétiser pour le vendredi 5 décembre 2025.

L’équipe pédagogique d’Histoire géographie du lycée Alphonse Daudet de Casablanca.

Sarah Rémy m’avait déjà invité lorsqu’elle était en poste au lycée René Cassin dans le Val-d’Oise avant sa mutation à Casablanca l’été dernier. Convaincue par l’impact de mes interventions sur les élèves, elle m’invita trois fois à Gonesse. Elle en parla donc à sa nouvelle équipe qui semblait ouverte à cette proposition audacieuse.

Une première visio me permit d’expliquer mes travaux aux professeurs et comment j’envisageais, en plus d’une conférence, de préparer des ateliers d’apprentis historiens pour leurs élèves en spécialité HGGSP sur le thème « Histoire et Mémoire » inscrit dans le programme du baccalauréat.

Je crois que cette visio fut décisive. Ma proposition s’articulait ainsi :

D’abord une conférence qui pointait mon travail et celui des historiens de la Shoah en général. Sur quelles sources travaillent-ils, entre les témoignages innombrables des survivants et ce que les archives publiques et privées nous permettent d’approcher ?  Comment ce crime génocidaire et contre l’Humanité a pu se réaliser, traces à l’appui ? Ensuite, je proposais de confronter leurs élèves lycéens à la réalité de la démarche historique et scientifique des premiers pas de recherches dans un cadre d’ateliers pédagogiques. Pour les impliquer davantage dans cette démarche, il m’était nécessaire d’explorer le lien entre le Maroc et la Shoah car l’approche locale est un élément essentiel pour les sensibiliser. Une démarche que j’adapte depuis 10 ans en fonction du lieu des établissements scolaires qui m’invitent.

Alors je sondais le Mémorial de la déportation des Juifs de France de Klarsfeld/Stroweis pour savoir combien étaient nés au Maroc. Un premier résultat en soulignait 109. Je savais que 26 élèves seraient concernés par ces ateliers. Alors j’affinais mon criblage. Je tenais à que ces 26 juifs nés au Maroc, déportés de France, couvrent l’ensemble des convois entre les premiers et les derniers, la diversité des âges et des lieux où ils furent arrêtés en fonction des zones géographiques (zone occupée, zone non-occupée, zone sous occupation italienne avant et après septembre 1943).

Dans une seconde visio, j’expliquais aux professeurs du lycée de Casablanca que j’avais dressé une liste de ces 26 personnes que je partagerai sur un Drive qui contenait :  les bases de données accessibles en ligne et les archives numérisées du Mémorial de la Shoah de Paris que je pouvais récolter pour ces premiers pas de recherches. L’adhésion des professeurs m’encouragea à préparer ma venue désormais actée. Ce fut, bien sûr, un long travail de récoltes et de déplacements pour collecter des informations mais ils me permirent d’apprendre et de découvrir de nouveaux destins. Certains connus des spécialistes du sujet du fait de survivants d’Auschwitz qui ont été publiés comme Simone Lagrange (née Kadoshe, fille de Rachel) ou Camille Touboul.

Dossiers de déportés juifs de France nés au Maroc contenant des archives à étudier.

Le vendredi 5 décembre, la direction et l’équipe d’enseignants en Histoire du lycée Alphonse Daudet et du réseau MLF de Casablanca et ses environs m’accueillent chaleureusement avec un magnifique buffet de spécialités salées et sucrées marocaines. Nous nous mettons autour d’une table où j’explique mes travaux pédagogiques et historiques sur le Shoah avec une vidéoprojection comme support. Les échanges et les questions rythment ce premier contact en présentiel dans un dialogue des plus agréables et constructifs.

A 10 heures nous descendons dans l’auditorium pour ma conférence de deux heures devant tous les élèves de terminale du lycée. Je suis saisi par la beauté de cette salle avec sa scène, sa sonorisation, son écran de cinéma où se mêlent boiserie et rideaux rouges : une vraie scène de spectacle, un confort matériel exceptionnel. En même temps que se projettent mes diapos pour illustrer mon récit, j’arpente la scène et commence à narrer mes propos où s’intercalent des histoires de familles persécutées, le contexte historique et les sources archivistiques qui permettent d’étayer l’histoire de la Shoah et de ces parcours. J’interpelle les élèves par des questions, ils sont réactifs et très attentifs. Les deux heures passent à vitesse grand V.

Après une délicieuse pause méridienne, l’après-midi je retrouve dans une salle de classe les élèves de la spécialité HGGSP, d’abord les élèves de terminales de 13h30 à 15h30, puis les élèves de première de 15h30 à 17h30. Accessibles dans un drive, une fiche guide par élève, le dossier du déporté sur lequel il travaille individuellement pour explorer les ressources en ligne et les archives que je leur ai numérisées. Ils s’immergent dans le travail d’investigation pour noter les premières traces des arrestations et des déportations de France concernant les personnes juives nées au Maroc que je leur avais choisies. Très concentré sur leurs écrans, où piochant dans les ouvrages-référentiels de Serge Klarsfeld que j’avais apportés (Le Mémorial de la Déportation des Juifs de France et Le calendrier de la persécution des Juifs de France 1940-1944) je sens les élèves très impliqués, posant des questions, beaucoup sont très autonomes et seront en capacité d’écrire une première notice biographique après les vacances de Noël. Avec leurs professeurs, nous concluons que l’expérience est plutôt très positive car les élèves ont adhéré pleinement à cet exercice de recherches. De vrais nouveaux apprentis historiens et passeurs de Mémoire !

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About Stéphane Amélineau

Professeur documentaliste : Lycée ITG Val-de-Beauté à Joinville-le-Pont (94 - Val-de-Marne) de 1994 à 2001. Lycée Françoise Cabrini à Noisy-le-Grand (93 - Seine-Saint-Denis) de 2001 à 2007. Lycée de Saint-Rémy à Soissons (02- Aisne) de 2007 à 2018. Collège-Lycée Saint-Joseph à Château-Thierry (02 - Aisne) depuis 2018.
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